Discours de Laurent Fabius à l’Ecole Normale Supérieure (05.02.2013)

Monsieur le Directeur,

Mesdames et Messieurs,

Chers Amis,

Nous sommes dans des temps de crise et je vais un instant m’en extraire volontairement pour partager avec vous dans le calme un certain nombre d’analyses et de perspectives longues de notre politique étrangère. Je suis tout à fait prêt à répondre sur les crises - il y aura ensuite un temps pour les questions. Il faut toujours voir l’urgence des crises à travers le temps long, qui est celui de la régulation, celui du développement, celui de la recherche de la démocratie, et, c’est un mot qui reviendra pas mal dans ma bouche au cours de ce propos, notre action pour l’influence de notre pays dans le monde. Je serai donc bref sur les crises que j’ai à traiter beaucoup ces temps-ci, et je me concentrerai sur le long terme.

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Ces crises actuelles ont en commun un certain nombre de caractéristiques, et notamment des enjeux de sécurité qui se polarisent autour de plusieurs grandes menaces : le terrorisme et la criminalité, notamment liée au trafic de drogue ; la prolifération des armements, qu’ils soient classiques, chimiques ou nucléaires ; les conflits interétatiques ou intra-étatiques, qui sont souvent liés à des divisions religieuses ou ethniques, à l’attitude de certain dirigeants ou à la nature de certains régimes ; la fragilité de certains Etats, qui ne sont pas en mesure d’assurer les fonctions régaliennes et de garantir leur propre intégrité et leur sécurité. Mali, Syrie, Iran, le conflit israélo-palestinien mais aussi la Libye, l’Erythrée, l’Afghanistan, toutes ces crises – je crois – relèvent d’une ou plusieurs de ces menaces. Dans notre monde désormais globalisé, ces situations, directement ou indirectement, finissent par nous concerner tous. Elles sont très rarement circonscrites à un territoire et représentent généralement un risque de déstabilisation pour la sous-région concernée et même au-delà.

J’en citerai seulement quatre. Au Mali, il existait un risque et même une quasi-certitude d’effondrement de ce pays, qui, à quelques heures près, serait devenu un Etat narcoterroriste. Nous sommes donc intervenus en urgence pour stopper la progression des groupes terroristes vers le sud et commencer à reconquérir le terrain, conformément à la légalité internationale. Mais – je le précise – nous n’avons absolument pas vocation à rester durablement : les forces africaines de ce qu’on appelle la MISMA vont prendre le relais. L’enjeu, c’est la stabilisation, la reconstruction, le processus politique de réconciliation et le développement. Et au-delà de l’action proprement militaire, c’est tout cela qui va nous mobiliser dans les semaines qui viennent.

Le conflit syrien, est une « boucherie » qui menace toute la région, et au-delà, nous-mêmes, car une conflagration régionale comporterait des conséquences gravissimes. Nous en sommes à près de 70.000 morts, à plusieurs millions de personnes déplacées. Il n’y a pas d’alternative diplomatique ou politique à l’action que nous menons afin d’aider la Coalition nationale syrienne, c’est-à-dire le regroupement de l’opposition. C’est le meilleur moyen d’accélérer le départ de Bachar EL-ASSAD en essayant de construire une alternative qui soit crédible, qui soit responsable, qui soit modérée, ce qui est de toute évidence très difficile.

La menace iranienne est une troisième menace. Nous restons mobilisés avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, dans ce le cadre de l’approche que nous avons choisie, que l’on appelle la double approche : d’un côté, des sanctions, de plus en plus dures pour faire bouger le régime, si c’est possible, et de l’autre, une offre de dialogue, afin que l’Iran accepte enfin de respecter ses engagements internationaux au titre de la non-prolifération nucléaire.

S’agissant de la question israélo-palestinienne, nous sommes maintenant après les élections israéliennes, au début du nouveau mandat du président OBAMA. Nous préparons la relance du processus de paix et la reprise immédiate des négociations sans pré-conditions. Notre objectif, très difficile au regard de l’histoire, mais pour lequel nous nous engageons, c’est que l’année 2013 ne soit pas une année blanche pour la paix.

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Voilà pour quelques crises majeures. Pour l’avenir, la diplomatie a besoin de prospective. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai décidé, tout récemment, de renforcer au sein du Quai d’Orsay, une unité, que je vais appeler le Centre d’Analyse, de Prospective et de Stratégie, qui aura pour tâche de me fournir, à partir d’analyses précises, toute une série de conseils et d’avis sur le monde de demain et sur la manière dont nous – la France – nous pouvons nous y situer.

Ce monde, comment le caractériser ? Je vais vous dire des choses qui ne sont pas très originales, mais encore faut-il partir d’une analyse à peu près juste. Je pense que c’est un monde qui est, à la fois, incertain, bouleversé et éclaté. Ce sont trois caractéristiques qui, me semble-t-il, résument assez bien la situation.

C’est un monde bouleversé, parce que, il y a, à l’évidence, une hiérarchie nouvelle des puissances. Jusqu’à la fin du 19ème siècle, c’était l’Europe qui dominait le monde ; au 20ème, les Etats-Unis ont pris le relais ; demain, les Etats-Unis garderont une place, mais se profilent la Chine, l’Inde et le continent africain. Aujourd’hui, trois pays européens se situent parmi les six premières puissances économiques ; en 2030, probablement aucun pays européen. La Chine, nous indique-t-on, sera au premier rang. Et en 2050, parmi les trente premières économies, dix-neuf seront des pays dits « émergents », et en réalité « émergés ». Quelles conséquences en tirer ? De multiples, mais en particulier pour ce qui concerne la maison que je dirige, une répartition nouvelle du réseau diplomatique français, qui est le deuxième du monde, et de ses priorités pour s’accorder avec cette nouvelle hiérarchie plutôt qu’avec un visage du monde, qui date des années 70. Je suis en train – doucement, mais d’une façon tout à fait déterminée – de procéder à ce changement.

Deuxième caractéristique, ce monde est éclaté. A ce sujet, il y a parfois une impropriété de langage. Autrefois, le monde était bipolaire, Etats-Unis d’un côté, URSS de l’autre, ensuite, il y a eu une période, pas très longue, où il a été unipolaire, sous la domination des Etats-Unis. On dit aujourd’hui qu’il est multipolaire, ce n’est pas du tout exact. Demain, espérons-le, il le sera. Mais aujourd’hui, il est simplement éclaté. C’est ce qui explique que nous n’arrivons, au niveau international, aux Nations-Unies, à régler le drame syrien ou à endiguer pour le moment la menace iranienne. Comme le monde est éclaté et qu’il n’y pas vraiment de polarité dominante organisée, le système est souvent grippé : on le voit par exemple en ce qui concerne le blocage à l’OMC, on le voit dans le cas de conférences sur le climat, où on fait souvent du sur-place. On le voit aussi avec la difficulté de faire progresser notre objectif – porté par nous Français et par d’autres - de réguler ce monde par le droit.

La troisième caractéristique de ce monde, si je le compare avec ce qui a été la période précédente, c’est qu’il y a une multiplication des acteurs internationaux. A côté des Etats - c’est ce qu’on appelle le système westphalien – prennent place, de plus en plus, des nouveaux intervenants : les organisations non gouvernementales, les entreprises multinationales, les grands acteurs locaux, et malheureusement dans un tout autre ordre d’idée, les groupes terroristes ou narcoterroristes.

Il me semble que si nous voulons, comme c’est le cas de la France, essayer d’orienter ce monde dans le sens qui nous paraît le plus efficace et le plus juste, beaucoup dépendra, en fait, de notre capacité à répondre aux principaux défis, qui sont ceux des temps à venir. En réfléchissant à ce que je voulais vous dire, j’ai énuméré six principaux défis qui sont ceux des temps qui viennent.

Le premier défi, c’est évidemment le défi économique. Il concerne la France, plus largement l’Europe, et puis, d’une façon encore plus large, les déséquilibres mondiaux. En France, il faut que nous retrouvions, car nous l’avons perdu, le chemin de la compétitivité et de la croissance. Il faut que nous parvenions à résorber les déséquilibres de la mondialisation, il faut que nous nous fixions comme objectif de réduire la pauvreté, car il y a encore 1,3 milliard d’individus sous le seuil de pauvreté, près du quart des habitants de la planète, et le rapport entre la richesse moyenne par individu des pays les plus riches et celle des pays les plus pauvres a augmenté considérablement.

Il faut bien nommer les choses pour essayer de les faire évoluer dans le bon sens : nous devons faire face à une crise, bien sûr, mais plus profondément, je crois que c’est un changement du monde. La première question, le premier défi qui nous est lancé, c’est d’arriver par notre action - et évidemment, la diplomatie n’y est pas étrangère - à relever ce défi.

Le deuxième défi est écologique. On dit que quatre planètes ne suffiraient pas si tout le monde devait adopter notre mode de vie d’ici 2050. Il y a toute une série de changements à opérer par rapport à l’épuisement d’un certain nombre de ressources, à l’augmentation de la consommation énergétique, à l’effondrement de la biodiversité, à l’aggravation des dérèglements climatiques. Le GIEC – qui est l’organisation d’experts, qui travaille sur ces sujets – estime que, d’ici 2050, 200 millions de personnes pourraient être déplacées d’ici à cause du dérèglement climatique. La France, évidemment, n’y est pas indifférente. Nous sommes parmi les pays qui agissent le plus efficacement. Et nous allons être mis au pied du mur, puisque, je ne sais si vous le savez, nous avons proposé d’organiser en 2015, et cela reposera beaucoup sur les épaules du Quai d’Orsay, ce qu’on appelle la Conférence Climat. Nous prendrons donc nos responsabilités.

Le troisième défi, après l’économie et l’écologie, c’est le défi éducatif et culturel. Il existe – et c’est assez nouveau – une compétition massive sur le terrain éducatif. Lorsque moi-même j’étais à votre place, on regardait peu les réalités internationales. Désormais, la Chine, pour ne parler que d’elle, produit – si je peux employer cette expression – six millions de diplômés universitaires par an et devrait compter 200 millions de diplômés d’ici dix-huit ans. Il est donc décisif d’investir dans l’éducation et la recherche, non seulement pour continuer la tâche de progrès que nous nous sommes fixés, mais aussi pour nous maintenir à la frontière scientifique et technologique. C’est un enjeu tout à fait décisif pour la croissance et pour le rayonnement intellectuel et culturel.

Le quatrième défi, c’est le défi démographique. Nous serons plus de huit milliards d’humains en 2030, 9,5 milliards, nous annonce-t-on, en 2050. Cela implique des enjeux alimentaires, puisqu’il va falloir augmenter la production, des enjeux migratoires, compte tenu des déséquilibres qui vont se creuser. En 2050, pour prendre un exemple, la population active aura diminué de 40% au Japon, et elle aura augmenté de 70% en Arabie Saoudite. Beaucoup de pays vieilliront, mais la France, elle – surtout si vous y mettez du vôtre – gardera une démographie favorable.

Le défi suivant, c’est le défi sécuritaire. Certes, il n’y a pas de conflits mondiaux, mais il y a toute une série de conflits localisés, et le terrorisme, le narco-terrorisme font des ravages avec des risques de déstabilisation de régions entières. La nature nouvelle de ces menaces change l’approche des enjeux de sécurité. Pour assurer la paix, il faut désormais mettre l’accent sur des questions qui étaient peu connues ou non traitées il y a de cela quelques années : le financement du terrorisme ou des groupes violents, la gestion des zones post-conflit, la reconstruction politique, juridique, économique et sociale des sociétés, et plus largement, bien sûr, la question du développement, parce que, à moyen et long terme, entre sécurité et développement, la relation est étroite.

Le dernier défi, le sixième, c’est le défi démocratique. On assiste, d’un côté, à des progrès assez spectaculaires, par exemple en Birmanie, mais aussi à des incertitudes, lorsqu’on regarde les printemps arabes. Aucune transition démocratique n’est simple ou linéaire. Chaque pays doit inventer son modèle démocratique, mais il y a manifestement des hauts et des bas. Certes, on peut comparer avec notre propre révolution, commencée en 1789 et terminée, probablement au début de la 3ème République. Mais on ne peut pas répondre aujourd’hui, en prenant référence à notre propre histoire, à ceux ou à celles qui aujourd’hui, sur la place Tahrir ou ailleurs, souffrent et manifestent : « écoutez, revenez dans quarante ans, revenez dans cinquante ans, on verra ce qu’il en est ». Partout, la France est attendue pour porter et encourager cet esprit démocratique, qui est dans le meilleur de notre tradition diplomatique.

Tous ces défis posent la question de la régulation internationale face – je l’ai dit – à un monde éclaté et à un système onusien souvent bloqué. Et il faut donc – c’est notre choix – essayer de renforcer les instances de gouvernance internationale, qu’il s’agisse des Nations Unies, du G20, du G8, d’une possible Organisation Mondiale de l’Environnement. Les grandes institutions internationales ont souvent été créées pour le monde d’hier, il faut les adapter pour qu’elles nous permettent de réguler le monde de demain. Cette adaptation est difficile puisque elle demande en général le concours de ceux qui, aujourd’hui, bénéficient du système passé et qui ne sont pas prêts à accepter une remise en cause.

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Sur tous ces points, je pense que la France a les moyens et le devoir de jouer un rôle significatif. Et c’est en cela que lorsqu’on me demande de définir, à la place où je suis, qu’est-ce que c’est que la France, je dis : la France, c’est une puissance d’influence. En bon français : « influential power ».

Depuis les années 1990 et les travaux, en particulier, de l’Américain Joseph NYE, on parle beaucoup de « soft power ». Cela désigne la capacité d’un Etat d’en influencer d’autres sans avoir recours à des moyens coercitifs. Ce terme est utilisé par opposition – vous le savez – au « hard power », qui désigne les attributs plus traditionnels de la puissance, notamment militaire, utilisés pour influencer d’autres Etats par des moyens contraignants. Le même Joseph NYE a évoqué plus récemment une autre notion, qu’il appelle « smart power », « puissance intelligente », qui combinerait les attributs du « soft » et du « hard power » pour mieux asseoir, par un jeu d’alliances et de partenariats, la légitimité de l’influence qu’elle exerce. Concernant la France, je parle, moi, volontiers, de puissance d’influence. Je veux dire par-là que le statut de la France, tel que je l’analyse, est le résultat d’un ensemble de caractères qui, assemblés, font que notre pays a un rôle et un statut plus important, beaucoup plus important, que celui qui se déduirait mécaniquement de son seul poids militaire ou économique. Donc le rôle n’est pas la même chose que le poids. Bien entendu, il ne peut pas y avoir de divorce durable entre l’économie et l’influence, sinon, au bout d’un certain temps, pour employer un horrible jargon, on va nous demander : d’où parlez-vous ? Mais les deux ne se recouvrent pas totalement.

Quels sont les composants de cette « puissance d’influence », qu’il faut non seulement préserver, mais renforcer ?

La première composante, c’est le poids économique. Malgré nos faiblesses, bien connues, et on les mesure chaque jour, nous sommes la 5ème puissance économique et commerciale du monde, nous sommes, dit-on, le 3ème pays le plus innovant. Nous sommes le 4ème pays pour les investissements à l’étranger. Et sur les 500 plus grosses entreprises du monde, 35 sont françaises, ce qui place notre pays au 4ème rang, avec – je le dis en passant – le risque de décalage, entre d’un côté, la puissance de nos grandes entreprises, et la réalité du « site » France.

Le deuxième élément de notre puissance d’influence, c’est notre poids diplomatique, politique et militaire. Nous sommes un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, nous avons des moyens de défense particuliers, nous sommes une puissance nucléaire, nous avons des moyens traditionnels, nous venons d’en faire la démonstration en Afrique. Nous appartenons aux cercles restreints où se prennent les décisions qui influent sur le monde : le Conseil de sécurité – je l’ai dit – le G8, le G20, le P5 – les cinq membres permanents du Conseil de sécurité -, l’Union européenne, l’OTAN, l’OCDE, le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Et nous avons un le deuxième réseau diplomatique du monde.

Troisième composante de notre puissance d’influence, le rayonnement culturel et scientifique. La France, c’est 14 prix Nobel de littérature, 11 médailles FIELDS, des établissements prestigieux, le Louvre, la Sorbonne, l’Institut Pasteur, l’Ecole Normale Supérieure, d’autres grandes Ecoles. Nous avons dans certaines professions des succès mondiaux, je pense à nos architectes, à nos designers. Nous avons une vitalité très forte de la création contemporaine, comme en témoigne le succès de la FIAC. Nous sommes le premier pays d’accueil de touristes internationaux. Paris, selon l’Organisation mondiale du tourisme, est la ville la plus visitée du monde. Tout cela participe à notre puissance d’influence.

Un autre élément, et je ne veux pas apparaître démodé en disant cela, je l’assume, c’est notre langue. Langue officielle des Nations Unies et de 29 Etats, langue de travail de l’Union européenne - à condition que les Français eux-mêmes ne commencent pas par l’abandonner pour parler un anglais, en général mauvais – le français est parlé aujourd’hui par plus de 220 millions de personnes dans le monde comme langue première ou seconde. En 2050, ils seront 750 millions compte tenu du développement de l’Afrique. C’est la langue la plus enseignée après l’anglais, avec 120 millions d’apprenants. Je considère donc que la francophonie est un combat d’avenir.

Et enfin, outre notre poids économique, notre poids politique, diplomatique, militaire, notre rayonnement culturel et scientifique, notre langue, nous avons – c’est un élément de notre puissance d’influence – des principes, que nous défendons. Ce sont les principes universels, contenus dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, notre attachement aux droits de la personne humaine, notre recherche de la paix, du désarmement, du développement, et d’une façon générale – cela nous est reconnu – notre capacité à parler au-delà de nos seuls intérêts nationaux.

Voilà ce qui permet à la France d’être plus grande qu’elle-même.

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Il existe une compétition pour l’influence, une compétition extrêmement rude. La puissance politique, militaire, économique, culturelle des Etats-Unis reste la première, mais beaucoup d’autres Etats ont investi le champ de cette diplomatie d’influence. D’autres puissances traditionnelles agissent pour leur rayonnement culturel : nos amis du Royaume-Uni avec le British Council, l’Allemagne avec notamment l’Institut Goethe, le Japon, qui s’est doté en 72 d’une Fondation du Japon, l’Espagne avec le réseau Cervantès.

Outre l’action culturelle extérieure, ces Etats ont aussi mis en place des mécanismes de promotion de leurs intérêts économiques et de soutien à l’exportation et à l’investissement, qui servent, à travers l’aide aux entreprises, l’influence de la nation. On trouve dans ces pays, comme on doit le trouver chez nous de plus en plus, un mélange, un renforcement réciproque entre la puissance économique et le rayonnement culturel.

D’autres pays de l’OCDE ont plus récemment fait de la stratégie d’influence une priorité de leur action diplomatique, par exemple, le Canada, par exemple l’Australie, qui, à travers toute une série de grandes agences multilatérales de coopération et d’aide, qu’elles financent, à travers leur relais au sein du Commonwealth, essaient de développer leur influence, et souvent, y réussissent.

Cette compétition des influences est exacerbée par la montée en puissance des grands émergents, la Chine, l’Inde, le Brésil, dont l’influence s’appuie sur la vigueur de leur économie, sur leur poids démographique, sur le crédit dont ils jouissent auprès des pays en développement, sur lesquels leur réussite exerce une attraction forte. Et ils ont du même coup un réseau propre qu’ils étendent. La Chine, par exemple, développe ses instituts Confucius - il y en a déjà plus de 300 dans une centaine de pays. D’autres pays émergents ou post-émergents dynamiques multiplient les initiatives, c’est le cas de la Corée, c’est le cas de la Turquie, c’est le cas du Mexique. Ils développent, par exemple, une stratégie de placement de leurs ressortissants à la tête des organisations internationales et accorde une importance nouvelle à l’exportation de leurs biens culturels.

Dans cette compétition qui est globale, renforcer notre influence est une priorité qui exige la mobilisation de l’ensemble de notre réseau et, au-delà, de tous ceux qui participent à l’image et à la présence de la France dans le monde. Notre stratégie, ma stratégie, c’est d’agir sur toute une série de plans, les uns classiques, les autres plus en décalage.

Je parlerai d’abord de ce que j’ai appelé la diplomatie économique. J’ai choisi d’en faire l’une des priorités, peut-être même la priorité de mon ministère pour les années qui viennent. Pourquoi ? Pas seulement parce que je connais bien ces questions dont je me suis souvent occupé. Je pars d’un constat simple : la France a reculé, malheureusement en même temps que l’Europe, sur le plan économique, or, il ne peut pas exister de divorce durable et profond entre la capacité économique et l’influence générale. D’autre part, le ministère des Affaires étrangères doit s’occuper de toutes les crises et il eut été paradoxal que la seule crise dont il ne s’occupât point soit la crise économique. Donc, en liaison avec l’effort général du gouvernement, j’ai défini comme priorité la diplomatie économique, dont l’objectif concret est d’accompagner nos entreprises dans leur développement international, les aider à conquérir des marchés, et développer symétriquement – on l’oublie parfois – l’investissement étranger en France, afin de réduire notre déficit commercial – qui est abyssal – et de favoriser la création d’emplois sur le « site France ».

Nous nous organisons pour que le ministère des Affaires étrangères ne soit pas seulement le ministère des relations politiques ou de l’action culturelle extérieure, ce qui est tout à fait essentiel, mais aussi – et j’espère que ça ne choquera personne ici – le ministère des entreprises. Nos diplomates – qui le faisaient d’ailleurs avant que je leur demande, mais encore faut-il formaliser les choses pour que ce soit plus méthodique – doivent développer le « réflexe économique », cependant que, symétriquement, nos entreprises renforceront leur « réflexe diplomatique ». Cella concerne prioritairement, puisque c’est une des grandes faiblesses de la France, celles de taille moyenne ou intermédiaire, qui ont besoin de soutien pour se projeter à l’international et qui ne le font pas suffisamment.

Cette priorité se décline, en lien avec les autres administrations, en un certain nombre de mesures concrètes, et puisque beaucoup d’entre vous se destinent à la filière diplomatie, je peux en parler. J’ai créé au sein du Quai d’Orsay une direction des entreprises et de l’économie internationale dédiée aux entreprises et aux questions économiques. Je m’interroge d’ailleurs sur les raisons pour lesquelles elle n’existait pas auparavant ? Cette direction assure l’interface avec les entreprises, tant pour les aider dans leur stratégie internationale que pour relayer leurs préoccupations dans le cadre des grandes négociations multilatérales et des grandes enceintes de gouvernance économique mondiale - car c’est nous, le Quai d’Orsay, qui sommes chargés de ces négociations. On ne peut mener à bien ces négociations que si on a un contact étroit avec ceux qui vont, soit bénéficier, soit pâtir des résultats de ces négociations, qu’il s’agisse des négociations au sein de l’Union européenne, de l’OMC, du G8/G20, du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale.

Nos ambassadeurs, qui sont les têtes de pont de la France à l’étranger, assument désormais expressément le rôle de chefs de l’équipe France de l’export dans leur pays de résidence. Ils doivent se placer systématiquement au contact des entreprises dans les pays concernés et mettre en place auprès d’eux, là où cela n’existe pas encore, un « conseil économique » pour être à l’écoute des préoccupations des entreprises. J’ai demandé à chaque ambassadeur d’établir un plan d’action avec un volet économique, dont la mise en œuvre fait l’objet d’un suivi attentif à l’aide d’indicateurs de résultats. Il ne s’agit pas pour l’administration de remplacer les entreprises, mais il faut qu’elle puisse les aider, et cela exige d’être organisé.

J’ai par ailleurs désigné un certain nombre de personnalités, qui ne sont pas des ambassadeurs, mais qui, par leur parcours et leur rayonnement, peuvent aider. Elles sont chargées de suivre plus particulièrement les relations, notamment économiques, avec quelques pays – peu nombreux – clefs pour la France : la Chine, la Russie, l’Algérie, le Japon, le Mexique, l’Inde. Je vais également, dans les jours qui viennent, désigner des personnes qui seront appelées « ambassadeurs pour les régions », qui sont des diplomates de carrière, que je placerai auprès des présidents de régions afin d’aider les entreprises de nos territoires à se développer à l’international, compte tenu de la connaissance que ces diplomates ont des questions internationales.

Voilà quelques éléments qui, j’espère, ne vous choqueront pas, mais qui correspondent à ce que doit être une diplomatie d’influence, si l’on ne veut pas qu’un moment, la question soit posée : Mesdames et Messieurs les Français, d’où parlez-vous ?

Deuxièmement, la diplomatie du rayonnement culturel, intellectuel et scientifique. C’est un volet plus traditionnel, mais tout à fait essentiel de notre diplomatie. Le rayonnement culturel, intellectuel et scientifique contribue en effet à notre poids politique, et participe à la construction d’une réalité et d’une image positive de la France. Pour développer cette action, nous nous appuyons sur plusieurs piliers. Nous avons un réseau culturel dont l’ampleur – ne soyons pas arrogants, mais c’est un fait – est sans égal. Nous avons une centaine d’instituts culturels, qui travaillent en coopération avec un opérateur qui s’appelle l’Institut français, un millier d’Alliances françaises, dont 400 sont soutenues par le ministère des Affaires étrangères, 27 instituts de recherche en sciences humaines et sociales, 160 missions archéologiques soutenues par le Quai d’Orsay. C’est un dispositif exceptionnel qui a pour objet de faire connaître notre culture et de valoriser la création française à l’étranger. Il y a aussi – tout est lié – un enjeu économique, car nos industries culturelles et créatives comptent déjà pour environ 5% de nos exportations et pourraient compter pour beaucoup plus.

Autre élément dans cet ensemble culturel, la promotion de l’enseignement supérieur français et l’accueil des étudiants étrangers. Cela relève aussi du Quai d’Orsay, et cela vise à renforcer l’attractivité de notre pays pour y former les élites de demain. C’est la mission confiée à une agence qui s’appelle Campus France, dont l’action est relayée par 180 espaces Campus France, qui sont placés auprès de nos postes diplomatiques ou des Instituts français, dans 110 pays. En appui de ce dispositif, le Quai d’Orsay finance chaque année 16.000 bourses pour permettre à des étudiants et jeunes chercheurs à potentiel élevé de poursuivre leur cursus en France. Malgré la contrainte budgétaire, j’ai décidé de sanctuariser les crédits qui sont alloués aux bourses étudiantes, pour soutenir la destination France. Et comme vous le savez, nous avons abrogé une circulaire qui s’appelait « la circulaire GUEANT » et qui, indépendamment d’autres considérations, était, à notre avis, totalement en contradiction avec une vision moderne du monde. C’est une grande force de pouvoir accueillir chez nous des étudiantes et des étudiants étrangers, qui se forment chez nous, qui peuvent avoir un premier emploi chez nous, et qui, revenus chez eux, seront les meilleurs ambassadeurs de la France.

De la même façon, nous pouvons compter sur notre audiovisuel extérieur. Nous avons une chaîne francophone multilatérale, TV5 MONDE, qui est reçue aujourd’hui dans 235 millions de foyers - c’est un des trois plus grands réseaux mondiaux. Nous avons plus récemment créé une chaîne d’information - FRANCE 24 -, qui diffuse – c’est son originalité – en français, en anglais et en arabe, et qui est désormais bien implantée dans le paysage des chaînes internationales d’information. Dans le cadre des printemps arabes, son audience s’est accrue malgré la concurrence des chaînes du Golfe, qui ont des moyens financiers considérables. Nous avons un troisième grand opérateur, qui est plus connu, RADIO FRANCE INTERNATIONALE – RFI –, qui émet dans une quinzaine de langues, et qui est une des radios internationales les plus écoutées, notamment en Afrique. Il y a eu des turbulences, mais maintenant, les choses ont été apaisées. Les nouveaux dirigeants ont notre confiance.

Dernier élément que je cite dans ce chapitre culturel – le rayonnement scientifique et de la pensée française. La science, de plus en plus, est présente dans l’agenda politique et diplomatique lui-même. Les scientifiques sont placés au cœur des défis qui nous sont lancés. J’ai parlé de la raréfaction des matières premières, du changement climatique, de la perte de biodiversité, de la pénurie d’eau, de la gestion des catastrophes naturelles, de la sécurité alimentaire ; la capacité à peser sur ces débats scientifiques est décisive. Vous êtes directement concernés à l’Ecole Normale Supérieure, quelle que soit d’ailleurs la filière que vous avez choisie ou que vous choisirez. Nous devons être présents dans tous les lieux d’influence, où se créent les normes, où se développent les idées, où se conçoivent les réglementations, où émergent les élites, pour faire valoir nos points de vue. L’importance de ce que j’appellerais – je ne sais pas si le mot convient – cette « politique de la science » est manifeste aussi dans les sciences humaines, qu’il s’agisse de science politique, de sociologie, d’économie. C’est pourquoi nous voulons, nous, Quai d’Orsay, associer le monde académique aux enjeux de politique étrangère en l’incluant dans la mobilisation de notre expertise nationale.

Le troisième élément de cette diplomatie d’influence, c’est ce que j’appellerais la diplomatie francophone. J’ai dit tout à l’heure qu’à mon sens la francophonie constituait un atout considérable, qui a parfois été négligée par la France ou qui a été traitée de manière un peu passéiste. Pour ma part, je veux miser sur elle. Notre langue porte un certain nombre de valeurs. Elle permet aussi de faciliter les échanges et a donc un impact économique positif. Une récente étude – qui m’a moi-même surpris – a montré que les échanges commerciaux, induits par l’appartenance à l’espace francophone, se sont traduits ces dernières années par un supplément de PIB par tête de 6% en moyenne dans les pays concernés.

La francophonie, ce n’est pas simplement la France : nous sommes co-créateurs de la francophonie, avec beaucoup d’autres pays. En lien avec eux, nous avons mis sur pied un plan d’action pour la francophonie avec quelques priorités : consolider la famille des pays francophones, en particulier en Afrique et dans les pays arabes ; renforcer l’enseignement du français dans les pays non francophones ; promouvoir le français dans la vie internationale, qu’il s’agisse de la vie diplomatique, du monde des affaires, ou des contenus en français, en particulier sur Internet.

Pour la francophonie, cela tombe sous le sens, l’enseignement du français est décisif. Il s’appuie sur notre réseau de 500 établissements scolaires à programmes français à l’étranger, qui sont gérés par l’AEFE – l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – l’opérateur de l’Etat, ou par la Mission laïque française, structure associative qui joue un rôle très utile. Nous avons un label, qui s’appelle FrancÉducation, qui a été lancé en 2012 pour distinguer les établissements scolaires étrangers qui participent au rayonnement de la langue française, qui encourage le développement d’un enseignement bilingue francophone d’excellence à l’étranger. Et ce réseau d’établissements à l’étranger est un atout que je veux et que je vais développer.

Normale Sup’ a été par le passé une tête de pont de la francophonie, notamment en accueillant traditionnellement des élèves étrangers. Elle continue de le faire, et je pense que c’est extrêmement important. Une de vos vocations, la formation d’enseignants de haut niveau destinés à exercer dans le supérieur, doit pouvoir se diffuser et permettre la formation d’enseignants du supérieur notamment dans les pays d’Afrique et du Moyen-Orient.

Une quatrième diplomatie dont je veux dire un mot, c’est ce que j’appellerais la diplomatie du développement. Dans notre politique d’influence, il y a une dimension essentielle de solidarité. L’aide au développement ne se justifie pas seulement par sa dimension de solidarité – qui est au cœur des valeurs de la France –, elle fait partie d’un ensemble d’objectifs au cœur de grands enjeux de la mondialisation pour notre pays : réduire les déséquilibres économiques, développer les mécanismes de régulation notamment sociaux et environnementaux, soutenir notre expertise.

Nous avons décidé de rénover notre aide au développement, particulièrement notre relation à l’Afrique. Vous êtes, comme citoyens, témoins de cette évolution. En rompant avec un certain nombre de méthodes passées, nous voulons établir de véritables partenariats avec les pays du Sud. Et notre aide, du même coup, doit s’adapter aux défis du nouveau siècle, afin d’être plus efficace et plus transparente. Dans cet esprit, et c’est une rupture très importante, j’ai décidé de doubler en cinq ans l’aide de ce type qui va transiter par les ONG.

La France va rester un acteur majeur de l’aide au développement. Aujourd’hui, nous sommes le 4ème bailleur mondial, derrière les Etats-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni avec un peu plus neuf milliards d’euros. Nous allons maintenir cet effort, malgré les difficultés budgétaires. Pour cela, nous devons mobiliser de nouvelles ressources. C’est une des raisons pour lesquelles, nous avons décidé, avec quelques voisins européens et amis, de créer une nouvelle taxe sur les transactions financières, dont 10% au moins du produit ira à l’aide publique au développement.

Nous nous appuyons, pour notre action sur plusieurs entités, l’Agence Française de Développement notamment, mais aussi France Expertise Internationale, qui fédère l’expertise française. Notre contribution transite aussi par les instruments d’aide extérieure de l’Union européenne, qui dispose en particulier du Fonds européen de développement, auquel nous participons.

La diplomatie du développement est étroitement liée à ce que j’appelle la diplomatie environnementale. A travers notre diplomatie du développement, nous essayons de promouvoir un développement durable. C’est une cause prioritaire. Et c’est dans cet esprit-là que nous nous sommes proposés pour accueillir, je vous le disais en introduction, cette conférence sur le climat en 2015, qui doit – nous l’espérons – nous permettre d’aboutir à un accord positif.

Je veux, avant de terminer, citer deux autres éléments constitutifs de notre diplomatie. Ce que j’appelle la diplomatie des valeurs, je vous l’ai dit en commençant, constitue un des éléments qui singularise la France dans son approche diplomatique et internationale. Il s’agit de notre volonté de défendre des valeurs universelles, de ne pas seulement parler au nom d’intérêts légitimes, nationaux, mais d’essayer à chaque fois que possible de nous faire l’avocat de causes qui nous dépassent. C’est ce que nous faisons au Mali où contrairement à ce que pensent certains, il n’y a pas de pétrole. Mais c’est ce que nous faisons aussi, dans un tout autre domaine, en menant une campagne mondiale pour l’abolition universelle de la peine de mort. Ce combat mené en France et en Europe doit maintenant être porté par notre diplomatie, au niveau international. Peu de pays portent ces ambitions. Il ne s’agit pas d’être arrogants, et il ne s’agit pas de faire de nous des saints – nous n’en sommes pas –, mais il s’agit de développer les valeurs et l’image qui traditionnellement sont associées à la France.

Enfin, élément constitutif de notre diplomatie, qui innerve l’ensemble de ce que je vous ai dit, c’est l’approche européenne. L’ensemble de nos orientations s’inscrit dans le cadre de notre engagement européen. Nous avons besoin de l’Europe pour affirmer notre influence, et inversement, nous renforçons cette Europe dans le cadre de l’action que nous menons. Mais, et c’est un grand combat, cela implique une Europe réorientée.

Ce matin j’étais avec François HOLLANDE au Parlement de Strasbourg. Cela a été l’occasion pour lui de définir la vision européenne de la France. Depuis que nous sommes au gouvernement – ça fait neuf mois –, il y a eu, même si c’est peu perçu par l’opinion, des progrès importants, parfois même très importants, pour remettre l’Europe sur les rails de la solidarité et de la croissance. Mais il y a encore un effort considérable à conduire, pour compléter le budgétaire par l’économique, pour renforcer l’économique par le social et l’écologique, pour avancer vers l’Europe politique.

François HOLLANDE a développé ses propositions pour coopérer en matière d’énergie, en matière d’éducation, en matière de défense et pour établir cet équilibre, qui jusqu’à présent n’a pas été trouvé, entre la solidarité et la croissance.

Nous avons la volonté, pas moins que d’autres – que personne ne s’y trompe –, d’avancer vers une Europe politique. Mais l’Europe que nous avons à l’esprit, c’est une Europe différenciée, qui est tout à fait éloignée de l’Europe self-service qui a été développée encore récemment par le Premier ministre britannique. Dans l’Europe différenciée, il y aura un socle commun très important de compétences, et la possibilité pour ceux qui veulent avancer plus vite et plus loin d’en faire davantage, par des coopérations renforcées, sans que ceux qui ne le veulent pas puissent bloquer l’ensemble de la machine.

Que ce soit sur le plan économique, sur le plan éducatif et culturel, sur le plan du développement ou sur le plan des valeurs, nous ne séparons pas notre approche française de notre approche européenne.

* *

Chers amis,

Tout cela constitue une ambition extrêmement forte. La réalisation de cette ambition ne dépend pas seulement de l’orchestration de différents moyens étatiques. Je parle souvent de ce que j’appelle une diplomatie démultipliée. Ce que je veux dire par-là, c’est que si nous voulons parvenir à cet objectif, nous devons nous appuyer sur toute une série de réseaux d’influence, parmi lesquels j’inclus bien sûr nos compatriotes qui vivent à l’étranger – ils sont plus de 2 millions –, nos collectivités locales, qui ont développé et qui développent de très nombreux partenariats internationaux, nos ONG, nos « think tanks », nos entreprises, nos universités, les enseignants, les étudiants, et vous-mêmes, normaliens, dont j’ai souligné l’ouverture à l’international.

Vous avez eu, vous aurez prochainement l’occasion de partir pour l’étranger, pour compléter vos études, votre formation, et où que vous partiez, dans la liberté totale de vos convictions, vous serez objectivement, d’une certaine façon, des ambassadeurs, à qui il reviendra de porter librement les valeurs et la culture de notre pays.

Il faut cette conscience, et cette mobilisation générale, pour être à la hauteur des défis, qui sont considérables. Souvent, je me réfère à une phrase que j’aime bien, de Martin Luther KING, qui disait pour définir notre monde, « les fusées sont téléguidées et les hommes désorientés ». Je pense que c’est cela le défi qui nous est lancé. Nous vivons des bouleversements de toutes sortes et les peuples, en particulier le nôtre, ont besoin – c’est le rôle des dirigeants – d’orientations précises et fermes. C’est vrai notamment en matière diplomatique. J’ai essayé – de manière trop longue, trop courte, je ne sais pas – de tenter de répondre à ce que peuvent être ces orientations, en vous exposant les priorités du ministère qu’on m’a fait l’honneur de me demander de diriger.

Mais comme il ne faut pas être arrogant, ce qui est souvent un défaut français, je terminerai en paraphrasant Sigmund FREUD. J’ai cherché, sinon à vous permettre de voir clair, du moins à vous montrer clairement les obscurités qui vous attendent. Merci.

Dernière modification : 08/02/2013

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